15Bleu-de-Prusse15-

A la veille d'un voyage, je préparais mes valises, et cherchais dans mes tiroirs un carnet relativement vide pour qu'il me fasse office de support pour des ébauches de textes ou de dessins lors de ce séjour. Je fouille, retourne quelques bricoles, feuillette certains carnets; puis trouve enfin l'objet de ma recherche: un carnet revêtu d'une couverture en tissu noire sur laquelle figuraient des motifs chinois. Je l'ouvris et tombai sur un papier qui me rappela cette personne, à présent sortie de ma vie, mais pas encore tout à fait de mes pensées. Je le mis de côté et continuai à parcourir les feuilles jaunies du carnet. Seulement quelques pages étaient noircies au crayon durant mon enfance. La texture de ce papier me donne matière à réfléchir et je le sens, est propice à l'écriture. Je le fourrai dans mon sac et mon regard tomba nez à nez sur un autre carnet. Plus petit cette fois et entièrement rempli. Rempli de mots, de bouts de phrases ne formant aucune suite. De mots tels que "suicide", "profond", "lourd", "sans issue" et qui me traversaient l'esprit l'année dernière, de phrases en lien avec ma souffrance: "le prof de français m'a engueulée parce que je dormais en cours et je me suis mise à chialer". Ces mots que ma psy m'avait recommandé d'écrire, comme exercice, et qui avaient empli tout un carnet. Une liste de mots, de maux qui se suivent, une souffrance qui n'en finit plus. Un carnet dont la couverture exposait les mots nature et beauté et qui ne révélait que souffrance et désespoir. C'est un carnet qui m'a soudain replongé dans un passé qui me parut si lointain alors qu'il ne date que d'à peine un an, et qui me prouve à quel point les choses se sont enchaînées rapidement, et aussi à quel point j'ai progressé en deux ans alors que ma souffrance ne me semblait pas évoluer.